Nombreux
sont, depuis le XIXème siècle, les auteurs "folkloristes" qui se
sont essayés à classifier le répertoire traditionnel.
Mais
la tache s'avère ardue... Par quel bout prendre ce vaste répertoire dont
chaque élément dépend d'un autre tout en ayant ses caractéristiques propres
? Comment mettre en valeur ces inter-dépendances entre les musiques et surtout
entre les textes ?
La
présente page vise à donner quelques fils conducteurs pour essayer de s'y
retrouver...
Des musiques et des textes :
Lorsqu'on aborde la
musique traditionnelle on découvre :
un répertoire
instrumental essentiellement orienté vers la danse.
S'appuyant sur des
petits groupes d'instruments, dont la nature pouvait différer selon les
régions, ces morceaux musicaux étaient repris par les musiciens "professionnels"
à l'occasion des bals et des fêtes où ils étaient régulièrement conviés
; le caractère "professionnel" de ces musiciens s'avère tout
relatif, en milieu rural notamment où le musicien était d'abord un paysan ou
un artisan qui, pratiquant correctement un instrument et connaissant suffisamment
le répertoire, pouvait assurer seul ou avec d'autres l'animation des
réunions festives populaires.
Du
fait de ce type de diffusion, le répertoire instrumental s'est répandu largement, sans contraintes
géographiques. Certains rythmes de danses
sont toutefois caractéristiques de certaines régions, mais les rythmes
ternaires dominent et la musique reste marqué par l'utilisation des
modes anciens. L'art des "fioritures" est aussi une constante dans
la musique populaire : "Ces airs dont la musique a l'air d'être en
patois" fera dire à son Cyrano, Edmond Rostand...
L'usage
des instruments n'étaient pas l'apanage de la seule "élite" des
musiciens "professionnels" et nombreux étaient ceux qui, ayant
récupéré un instrument familial, s'y essayait et reprenait à la veillée,
les morceaux entendus les glissant souvent entre deux couplets d'une
chanson...
des chansons à
texte développant une grande variété de thèmes .....
La part du répertoire
chanté est très importante dans la musique traditionnelle d'expression
française : chants de travail entonnés au gré des activités pour rythmer
celles-ci, se donner du courage, chansons à boire ou à danser pour les
fêtes, mais surtout, chansons de veillées développant thèmes de
légende ou faits historiques, histoires d'amour ou de désamour....
Les références à la
vie populaire sont largement développées dans les chansons traditionnelles qui
mettent souvent en avant des anecdotes de la vie de tous les jours. Les textes
sont souvent sobres, mais les chanteurs ne se sont pas privés, lors des
transmissions successives, de les enjoliver, ici, d'un petit couplet satirique,
ou là, d'un refrain facile à mémoriser et reprendre ; les chants à
répondre, les chansons énumératives, permettent aussi à tous de participer.
Ces chansons pouvaient
être chantées à capella, mais le soutien par des instruments était souvent
de mise ; à défaut de pratique du chant choral, la plupart de nos chansons populaires
étaient chantées en mode monophonique, la polyphonie populaire corse,
chants de bergers repris à plusieurs voies, faisant figure d'exception...
Des textes dont l'origine est mal
connue :
Certains folkloristes
ont essayé de retrouver les traces des versions originelles des textes des
chansons du répertoire traditionnel, espérant dérouler, à partir de ce point
de départ hypothétique, le canevas de leur évolution tant historique
que géographique.
La culture orale qui
s'attache à la musique populaire, ne facilite pas ce type de
recherches...
Il existe cependant,
dans la littérature ancienne, des traces de certains textes auxquels les
chansons populaires semblent se référer ; des chansons historiques,
complaintes et certains thèmes anecdotiques se retrouvent dans le répertoire
des troubadours ; mais la transmission orale semble les avoir épurés, ne
retenant que leur caractère anecdotique, ou, au contraire, enjolivé en
rajoutant parfois des conclusions propres à la tradition populaire.
Faut-il en déduire
que la musique populaire a puisé là son inspiration ? les "musiciens
savants" ne se sont-il pas plutôt référés à des textes existant dans
un folklore populaire plus ancien dont, du fait de son caractère oral, on ne
trouverait plus trace ?
Devant un tel doute,
il parait peu opportun d'échafauder une théorie de développement de la
musique traditionnelle fondée sur l'origine des textes ; il reste toutefois intéressant
de noter les traces recensées pour expliquer le contexte, comprendre certaines
évolutions constatées dans les thèmes abordés.
Des thèmes s'appuyant sur des
traditions identifiées :
Une approche plus
pragmatique fondée sur l'analyse des thèmes abordés dans les chants populaires
conduit à des conclusions plus satisfaisantes.
Une distinction
évidente entre tradition des campagnes et tradition des villes transparaît,
en effet, à l'analyse du répertoire de musique populaire :
dans le milieu
rural, le répertoire s'est fondée sur la vie simple de tous les jours,
évoquant tour à tour travaux des champs (labours, moissons, vendanges...),
petits métiers et activités du monde paysan (savetiers, lingère,
fileuse...) ainsi que les fêtes familiales (chansons de noces...). L'illettrisme
qui prévaut dans les campagnes ne signifie pas inculture, au contraire, le
contact avec la nature de la population favorise le sens de l'observation et
amène une simplicité qui participe au charme poétique ; la
transmission exclusivement orale, trouvant justification dans cet illettrisme,
a par ailleurs favorisé l'évolution cette musique, chacun apportant
sa sensibilité propre pour introduire des variantes nouvelles.
dans les villes,
le peuple est en contact avec d'autres horizons ; si les chansons de
métiers restent présentes, s'y ajoutent des chansons à boire ou
gaillardes (images de la vie de la rue, des tavernes et des foires..) ;
jongleurs et autres bateleurs, dont le répertoire fait souvent référence
à celui des ménestrels, introduisent d'autres thèmes : nos chansons
historiques, mais aussi les pastourelles (chansons d'amour issues du
répertoires des troubadours), les enfantines et les chants de Noël,
trouvent ainsi une place dans ce répertoire. Contrairement au milieu rural,
on y retrouve des traces écrites, mais si les recueils publiés ont sûrement
favorisé la diffusion de ces thèmes au sein du milieu des musiciens
professionnels, le peuple, en reprenant à son compte les airs entendus, ne
s'est pas privé d'en faire évoluer les textes et les musiques.
Certains thèmes
échappent toutefois à cette classification ; tel est le cas des chansons de
conscrits ramenées par les hommes, quelque soit leur milieu d'origine, au
retour de leur armée et des chants de marins, spécifiques des régions
côtières.
Si
l'origine rurale ou citadine de nombreux thèmes parait acquise, cela ne
signifie pas que les répertoires sont restés figés : les échanges ont introduit
un mélange des genres qui, s'il rend difficile tout classement,
participe la richesse de la musique traditionnelle.
Une grande diversité géographique :
Un autre constat
peut être fait lorsqu'on aborde le répertoire traditionnel, ce sont les
particularismes locaux.
Selon, les régions,
les pays, se dégagent en effet des spécificités nettes :
les thèmes
abordés, s'ils se retrouvent souvent d'un lieu à un autre, sont
traités avec une sensibilité propre, au niveau de la formulation, avec ses
tournures de langage, ses expressions idiomatiques.; certains thèmes
spécifiques, liés au contexte local, s'y sont parfois naturellement
développés : ainsi les chants de marins en Bretagne, le thème des
vendanges en Pays d'Oc...
certaines
danses, certains rythmes s'y retrouvent plus fréquemment, voire exclusivement,
comme les gavottes et an-dro en Bretagne, les reels au Québec ou les
two-step en pays Cajun...
des instruments
propres caractérisent aussi certains pays ; l'épinette se retrouve ainsi
presque exclusivement dans les Vosges... Il demeure toutefois bon nombre
d'instruments communs aux différentes régions : des instruments tel que
l'accordéon diatonique, d'un usage facile, s'est ainsi progressivement
implanté depuis le XIXème siècle.
Mais les barrières
sont loin d'être étanches entre les différentes régions... Du fait de la
nature "voyageuse" de la musique traditionnelle, les pratiques tendent
à s'uniformiser et il est parfois difficile de déceler l'origine géographique
d'un morceau entendu.
Faut-il d'ailleurs
figer telle ou telle version alors que, par nature, le répertoire évolue ? Il
est sûrement plus opportun de se limiter à noter l'origine géographique des
morceaux, lorsque leur source est connue, et laisser les musiciens qui les
reprennent, donner libre cours à leur inspiration pour faire vivre la musique.
Classement adopté :
Type de musique,
thèmes abordés, particularités régionales... tout s'avère intimement lié....
Pour s'y retrouver un
tri est pourtant nécessaire ; même si la distinction entre les genres
n'existent pas vraiment, nous avons organisé ces pages sur deux axes principaux
:
les thèmes
musicaux et leurs spécificités...
le répertoire
chanté : les différents thèmes abordés et genres (en notant les thèmes
fréquemment rencontrés et les régions où on les retrouve) ...