Léopol Cortial
est né en 1916, sur le plateau ardéchois, dans la commune du Cros de
Géorand.
Le registre d'état
civil n'était alors pas tenu avec toute la rigueur qui prévaut aujourd'hui...
Aussi, le secrétaire de mairie omit de mettre un "d" à
Léopold et nota une naissance au 17 Août 1916 alors qu'il était né le 27 Août. Sa mère, née sur la même commune en 1890, n'avait, quant à elle,
jamais été enregistrée ; il faut dire qu'elle était née un premier Janvier
: une mauvaise "burle" a peut être empêché le déplacement jusqu'à
la Mairie...
Le pays est en effet
soumis à un rude climat pendant l'hiver ; le vent du nord reprend la neige au
sol pour la transporter en véritables tourmentes : c'est la "burle" ; "Ici
la neige ressert plusieurs fois" me disait un collègue de l'Équipement
chargé de ce secteur... Si le chasse-neige permet aujourd'hui d'ouvrir les
congères formées par le vent, ce mauvais temps d'hiver bloquait souvent, à
l'époque, les gens dans les fermes isolées plusieurs semaines durant....
Il est issu
d'une famille de modestes paysans. Son père, Jules, exploitait laborieusement
la petite ferme familiale ; mais son revenu était trop modeste pour
élever dignement deux enfants.
Après la
guerre, il eut la chance d'accéder à une place de facteur, mais
il fallait s'expatrier....
La famille
"descendit" s'installer à Berrias, dans l'Ardèche sud ;
mais, à 5 et 3 ans, les enfants ne parlaient que le patois... l'école
laïque de la république leur apprit le français.
La ferme familiale était
bien loin ; on y "remontait", le temps des vacances, accueilli
et choyé par la nombreuse famille restée au Pays. On retrouvait la
ferme des Aygades, typique du plateau ardéchois avec son étable qui
l'hiver chauffait l'unique, mais vaste pièce de vie située juste à
coté et entourée de lits placards de bois blanc ; à l'étage, sous la
toiture de genets, il y avait la "féneïre" où l'on stockait
le foin pour les bêtes.
On
retrouvait là les nombreux cousins avec lesquels on jouait, mais aussi,
avec qui on
allait "garder" les bêtes.
En 1924, son
facteur de père obtient sa mutation pour Pont
d'Ucel, tout proche d'Aubenas : la tournée qui s'y fait à pied, est
plus difficile, mais cela facilitera les études
des enfants...
En attendant de
rentrer à l'EPS, ceux-ci sont vont à l'école primaire de Pont d'Ucel où Monsieur Charrière, l'instituteur, a plus de succès avec
ses élèves qu'avec son propre fils (le célèbre bagnard Papillon...).
Bons élèves,
ils ont à cœur de montrer que les enfants du plateau sont aussi doués
que les autres, sinon meilleurs.
Suivant les
traces de sa sœur, après un parcours très honorable à l'École
Publique Supérieure (EPS) d'Aubenas , il intègre l'École Normale
d'Instituteurs à Privas en 1934.
C'est là qu'il
commence à dessiner, croquant les "peek's", ses camarades de
première année de l'École Normale...
Aux
vacances, il retrouve la Basse Ardèche et le Plateau ; il emmène avec
lui son carnet de dessins sur lequel il griffonne
les paysages qu'il apprécie.
Puis
c'est le retour à l'EN ; pour la fête de fin d'année, il prépare un
bois gravé qui illustrera le programme : il choisit de représenter un danseur
de bourrée, souvenir de sa montagne natale.
Il
sortira de l'École Normale, promu instituteur, en 1938.
Avant de
faire la preuve de ses talents pédagogiques, il est appelé sous les
drapeaux. Il quitte son Ardèche pour son service militaire, mais reste
dans le sud : Castres, Le Larzac...
La
guerre est là... Il participe à la campagne de Dunkerque, mais, par
chance, il est en permission au moment de son épilogue, à l'issue duquel
plusieurs de ses camarades seront fait prisonniers. Il est finalement
démobilisé courant de l'été 1940.
Il
est nommé à Thines,
petit village situé au pied des Cévennes Ardéchoises, pour son premier
poste d'instituteur.
Il eut jusqu'à 26
élèves... Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une dizaine d'âmes qui vivent
au village et il n'y a bien sur plus d'école.
Mais
ses préoccupations sont ailleurs : il a trouvé l'âme sœur....
Il se marie, à
l'été 1942, avec Renée Colomb, qui, sortant de l'École Normale, a
débuté sa carrière à Rieutord, sur le plateau ardéchois.
Une fille puis,
8 ans plus tard, des jumeaux naîtrons de cette union ; il a
aujourd'hui 6 petits-enfants et une arrière-petite-fille...
Léopol est mort ce
22 novembre 2004 ; il n'avais pas
repris ses carnets de dessins depuis son mariage, mais ses élèves
découvraient parfois sur le tableau noir, le matin en arrivant en classe, de
beaux dessins à la craie, oeuvres éphémères à jamais disparues...